Dans le sport professionnel, les réseaux sociaux sont devenus indispensables : pour partager des moments de carrière sportive, communiquer avec le public ou cultiver une image publique.
Mais cette vitrine digitale peut aussi devenir un espace de haine, d’insultes, voire de menaces de mort.
Chaque jour, des joueurs de football, des tennismen, des sportifs français, membres de l’équipe de France ou d’un club, sont la cible de commentaires haineux, après une défaite, un match controversé, ou une prise de parole publique.
Ce phénomène de cyberharcèlement n'a rien d'anecdotique. Il touche aussi bien les jeunes sportifs, que les femmes et les hommes, tous sports confondus, à tous les niveaux de compétition. Il s’installe, s’intensifie, et affecte directement la santé mentale des athlètes.
Le cyberharcèlement sportif prend plusieurs formes :
Menaces explicites envoyées via messages privés sur Instagram, Facebook, Twitter …
Injures racistes ou sexistes diffusées publiquement sur son "mur"
Pressions de parieurs en ligne frustrés par un résultat
Intimidations parfois même avant un match en vue d'un résultat espéré
Diffusion de contenus haineux sur des plateformes numériques ou via des applications de jeux vidéo...
Dans certains cas, les victimes rapportent une véritable campagne de harcèlement coordonnée. Alice TUBELLO, joueuse de tennis française classée alors 219e à la WTA, avait ainsi reçu plus de 300 messages d'insultes et de menaces sur les réseaux sociaux après un match perdu dans un tournoi ITF W50.
Elle révélait même la banalisation de ces messages : "Ça arrive tout le temps, après une victoire ou après une défaite." En réalité, la quasi-totalité des sportifs (tennismen et footballeurs en première ligne) reçoivent ce type de messages, chaque semaine.
Ce climat d’agressivité constante peut provoquer une véritable spirale psychologique : perte de confiance, anxiété chronique, isolement, voire dépression. Chez les plus jeunes, ces violences numériques peuvent laisser des traces durables.
Que dit le droit ? Le cadre juridique applicable en France
Avant d’entrer dans le détail des textes de loi, il est important de rappeler que ce qui suit concerne le droit français. Chaque pays dispose de ses propres législations en matière de harcèlement et de cybersécurité, mais la plupart sanctionnent aujourd’hui les comportements haineux et menaçants en ligne. Si vous êtes à l’étranger, les démarches et les protections légales peuvent varier, mais elles existent.
En France, le cyberharcèlement est une infraction pénale clairement définie. L’article 222-33-2-2 du Code pénal punit le harcèlement moral lorsqu’il est commis par des messages répétés, y compris sur internet, les réseaux sociaux, ou les plateformes de jeu en ligne.
La loi prévoit des circonstances aggravantes dans plusieurs cas :
Si la victime est mineure ou vulnérable ;
Si les faits sont commis en réunion ou de manière anonyme ;
Si le harcèlement porte atteinte à la santé mentale de la victime.
En parallèle, d’autres infractions peuvent être retenues : menaces, injures publiques, diffamation, usurpation d’identité ou atteinte à la vie privée.
Ces dispositions permettent de qualifier juridiquement des situations qui, jusqu’il y a peu, restaient sans réponse judiciaire. Et elles offrent aux sportifs des outils concrets pour se défendre.
La loi permet ainsi non seulement de punir l’agresseur, mais aussi de construire un dossier de défense solide — à condition de bien s’y prendre dès les premiers messages. C’est là que l’accompagnement juridique devient décisif.
Avocat depuis 23 ans, expert en Droit du Sport. J’accompagne les sportifs, entraîneurs, agents et clubs amateurs dans la défense de leurs droits et libertés fondamentales face aux instances sportives et judiciaires. Le Droit du Sport vous protège.

Michaël Bouyrie
Avocat
Lorsqu’un sportif devient la cible de messages haineux ou menaçants, la première tentation est souvent de répondre ou de minimiser. Pourtant, il est essentiel de réagir avec méthode dès les premiers signes.
Ne jamais répondre aux agresseurs
Entrer dans l’échange est souvent une erreur. Cela alimente le conflit et peut aggraver la situation. Le mieux est de bloquer immédiatement l’auteur, sans supprimer les messages reçus.
Conserver des preuves solides
Chaque message, commentaire ou publication doit être sauvegardé :
Faites des captures d’écran avec la date et l’heure visibles ;
Copiez les liens directs vers les messages ou les profils ;
Notez tout ce qui peut permettre d’identifier les auteurs, même s’ils utilisent un pseudonyme.
Selon la gravité des paroles, et s'il apparait que l'auteur est français ou basé en France, le recours à un Commissaire de justice peut s'avérer utile pour que la preuve soit incontestablement établie.
Signaler les contenus sur les plateformes
La plupart des réseaux sociaux disposent de procédures de signalement : utilisez-les systématiquement. En parallèle, vous pouvez saisir le portail PHAROS (www.internet-signalement.gouv.fr), géré par les autorités françaises, pour signaler tout contenu illégal.
Ces premières étapes permettent non seulement de documenter les faits, mais aussi de préparer un éventuel dépôt de plainte. Elles sont la base d’une réaction efficace.
Face au cyberharcèlement, déposer plainte est non seulement possible, mais essentiel. Même si l’auteur des messages se cache derrière un pseudonyme ou un compte anonyme, la justice peut enquêter et remonter jusqu’à lui.
Plusieurs voies sont possibles pour déposer plainte :
En vous rendant dans un commissariat ou une gendarmerie
En adressant un courrier au procureur de la République du tribunal de votre domicile
Ou via les services en ligne du ministère de l’Intérieur
Chaque signalement doit être accompagné de preuves solides : captures d’écran, messages enregistrés, profils identifiés, liens directs… Ce travail préalable augmente considérablement les chances de poursuite.
Faire appel à un avocat expert en droit du sport permet de renforcer votre dossier. Il pourra :
Qualifier juridiquement les faits (injures, menaces, harcèlement aggravé…)
Engager une procédure d’urgence si nécessaire (référé)
Réclamer des dommages et intérêts pour les préjudices subis
Déposer plainte, c’est envoyer un signal fort : ces comportements ne sont pas tolérables, même dans un univers ultra-médiatisé comme le sport de haut niveau.
L’avocat, un allié stratégique pour protéger le sportif
La conciliation devant le CNOSF est moins chère, plus rapide et plus souple qu’une procédure classique. Elle permet d’échapper au contentieux, de préserver les relations au sein du mouvement sportif, et de rechercher une résolution non contentieuse.
La proposition de conciliation est souvent plus équilibrée qu’une décision de justice. Le conciliateur n’impose rien : il propose, dans le cadre de sa mission de conciliation, une solution à l’amiable, respectueuse de l’intérêt des parties. C’est une voie privilégiée dans le cadre d’un litige relatif à la vie fédérale. L’avantage de la conciliation, notamment dans les litiges de haut niveau, est de permettre une solution rapide, confidentielle, et adaptée à l’activité sportive. Elle est reconnue comme une procédure de justice alternative d’utilité publique, sous l’autorité du ministère des sports.
Face à la montée du cyberharcèlement, les sportifs ne sont pas seuls. Des outils technologiques et des initiatives institutionnelles permettent de renforcer la protection numérique dans le monde du sport.
Des technologies pour filtrer la haine en temps réel
Des applications comme Bodyguard sont déjà utilisées par plusieurs clubs et fédérations pour bloquer automatiquement les commentaires haineux sur les réseaux sociaux. Ces solutions analysent les messages en direct et filtrent les propos injurieux avant même qu’ils ne soient vus par le destinataire.
Des plateformes d’écoute et de signalement spécialisées
Le service 3018, géré par l’association e-Enfance, propose une assistance 7j/7 pour les victimes de harcèlement numérique, avec des conseils juridiques et psychologiques.
Signal-Sports est une autre plateforme dédiée spécifiquement au milieu sportif, permettant aux athlètes et clubs de signaler des comportements abusifs ou violents.
L’intelligence artificielle au service des grandes compétitions
Pour des événements à forte exposition comme les Jeux Olympiques de Paris 2024, certaines fédérations ont mis en place des outils d’Intelligence Artificielle (IA) pour lutter contre la Bêtise Réelle. Ces outils sont ainsi capables de détecter des vagues de messages haineux coordonnés. L’objectif : protéger les athlètes en anticipant les attaques et en limitant leur propagation.
Des campagnes de prévention dans les clubs et les institutions
Le Comité national olympique, les ligues professionnelles, mais aussi des associations comme Respect Zone ou Colosse aux pieds d’argile interviennent régulièrement pour former les jeunes athlètes, les staffs et les parents aux risques numériques. Des protocoles de signalement interne et des cellules d’écoute se développent progressivement. N'hésitez pas à consulter un psychologue dès les premiers signes d'affaiblissement psychologique.
Conclusion : ne laissez pas la haine prendre le dessus
Si vous êtes sportif professionnel, athlète de haut niveau ou simple passionné exposé en ligne, sachez que vous n’êtes pas seul. Le cyberharcèlement n’a rien d’inévitable. Des lois vous protègent, des outils existent, et des professionnels sont là pour vous accompagner.
Il est possible de reprendre le contrôle de votre image, de faire respecter vos droits et de continuer à vivre votre passion dans un environnement numérique plus sûr.
Parlez-en à votre entourage, à votre club, à un avocat en Droit du sport. Chaque signalement, chaque plainte, chaque action compte — pour vous, mais aussi pour tous les autres.