avocat droit du sport michael bouyrie
10 oct. 2025

Licenciement des entraîneurs pour insuffisance de résultats

avocat droit du sport michael bouyrie
10 oct. 2025

Licenciement des entraîneurs pour insuffisance de résultats

Licenciement des entraîneurs pour insuffisance de résultats 

Dans le sport professionnel, la pression du résultat est constante. À chaque défaite, la même question revient : l’entraîneur va-t-il être licencié pour insuffisance de résultats ?
Mais le droit du travail n’obéit pas à la logique du score ou du classement. Un licenciement pour insuffisance de résultats ne peut être pas décidé librement par un club employeur. Il doit reposer sur des conditions juridiques précises.
Les entraîneurs sont liés à un club par un contrat à durée déterminée (CDD) dont la rupture unilatérale anticipée n’est permise que dans des cas limités, comme la faute grave ou la force majeure. L’insuffisance de résultats n’en fait pas partie.

Cet article a pour but de clarifier ce que prévoit réellement le Code du travail, la jurisprudence et les règles sportives, afin de rappeler un principe fondamental : un échec sportif ne justifie pas à lui seul une rupture anticipée du contrat.
Le droit du travail (et la convention collective) appliqué au monde du sport protège les entraîneurs et tout membre d'un staff (entraîneur adjoint, préparateur physique, préparateur mental etc...) face au licenciement pour faute illégal et injuste.


1. Résultats sportifs et droit du travail : deux logiques différentes

Un club sportif n’est pas une entreprise comme les autres. Les performances y sont visibles, immédiates, et souvent émotionnelles. Pourtant, le droit du travail s'applique implacablement au monde du sport.

Beaucoup de clubs confondent "résultat sportif" et "insuffisance professionnelle".
Or, l’insuffisance professionnelle suppose une incompétence personnelle, durable et imputable au salarié.
Un entraîneur peut parfaitement exécuter son travail, respecter ses obligations contractuelles et ses objectifs de moyens, sans que les résultats de l’équipe soient au rendez-vous.

Les juridictions sociales (Conseils de Prud'hommes et Cours d'appel) ainsi que la chambre sociale de la Cour de cassation rappellent régulièrement qu’un échec collectif ne peut être transformé en faute individuelle.
La mauvaise performance d’une équipe ne suffit donc pas pour pouvoir justifier un licenciement ou une rupture de contrat.

Dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée (CDI), une entreprise peut invoquer une cause réelle et sérieuse.
Mais dans le sport, les entraîneurs sont toujours employés sous Contrat à durée déterminée (CDD) régi par l'article L.222-2-3 du Code du sport qui dispose : 

"Afin d'assurer la protection des sportifs et entraîneurs professionnels et de garantir l'équité des compétitions, tout contrat par lequel une association sportive ou une société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 s'assure, moyennant rémunération, le concours de l'un de ces salariés est un contrat de travail à durée déterminée."

Et dans ce cadre, la rupture anticipée ne peut pas reposer sur une simple “insuffisance de résultats”.

2. Le régime juridique du contrat à durée déterminée dans le sport

Le CDD lie l’entraîneur à son club pour une durée fixe, souvent une ou deux saisons.
En principe, il ne peut pas être rompu avant son terme sauf dans cinq cas précis, énumérés par le Code du travail et rappelés par la jurisprudence :

  1. Faute grave du salarié

  2. Force majeure

  3. Inaptitude médicale constatée par le médecin du travail

  4. Accord mutuel des parties (formalisé par écrit comme une rupture conventionnelle)

  5. Embauche en CDI du salarié dans une autre entreprise.

L’insuffisance de résultats ne figure pas dans cette liste.
Un club qui invoque uniquement ce motif pour rompre un CDD viole la loi. La rupture est alors abusive et ouvre droit à réparation.

Dans un tel cas, le salarié peut obtenir :

  • le paiement de l’intégralité des salaires dus jusqu’au terme du contrat

  • une indemnité compensatrice de congés et de préavis

  • et, dans certains cas, des dommages-intérêts pour préjudice moral ou atteinte à la réputation

La jurisprudence est claire : un entraîneur licencié pour insuffisance de résultats alors qu’il n’a commis aucune faute grave a droit au paiement intégral de son contrat.

3. Insuffisance de résultats : un motif émotionnel, pas une faute grave

La distinction entre insuffisance professionnelle et faute disciplinaire est essentielle.
L’insuffisance professionnelle décrit une incompétence durable, une incapacité du salarié à atteindre les objectifs raisonnables liés à sa fonction. Elle peut être une cause de licenciement pour motif personnel, mais ne suppose aucune intention fautive.

La faute disciplinaire, elle, implique une mauvaise volonté délibérée, une négligence consciente ou un comportement contraire aux obligations du contrat. Elle doit rendre la poursuite du travail impossible.

Or, dans le sport, la plupart des décisions de rupture reposent sur des critères collectifs et subjectifs :

  • série de défaites

  • mauvais classement

  • désaccord avec la direction

  • mécontentement du vestiaire.

Aucun de ces éléments ne constitue une faute grave.
Les juges rappellent qu’un club doit prouver l’imputabilité personnelle de l’insuffisance à l’entraîneur.
S’il ne le peut pas, la rupture anticipée du CDD, même présentée comme un licenciement pour motif personnel, est déclarée nulle ou abusive.

4. La procédure de rupture : un encadrement strict

Même lorsqu’un motif de licenciement valable existe (faute grave ou force majeure), la procédure de licenciement doit être respectée à la lettre.

Le club doit :

  • convoquer l’entraîneur à un entretien préalable au licenciement

  • permettre la présence d’un conseiller du salarié 

  • notifier la décision par lettre recommandée avec accusé de réception 

  • préciser le motif exact de la rupture 

  • verser les indemnités dues (hors faute grave)

L’absence d’entretien préalable ou une lettre de licenciement imprécise rend la procédure irrégulière.
Le Conseil de prud’hommes sanctionne alors le club, par le versement de dommages-intérêts.

Dans certains sports, comme le football professionnel, s’ajoutent des règles spécifiques : avant toute notification du licenciement d’un entraîneur, le club doit obligatoirement saisir la commission juridique de la Ligue ou de la Fédération.
Si cette étape n’est pas respectée, la rupture est illégale, même si le fond semblait justifié (Voir par exemple l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes du 23 mars 2012, n° 10/02338 dans lequel le FC NANTES est sanctionné pour ne pas avoir saisi la Commission juridique).

5. Les recours de l’entraîneur licencié

Lorsqu’un club rompt un contrat pour insuffisance de résultats, l’entraîneur peut agir immédiatement pour contester ce licenciement abusif.
La première démarche est la saisine du Conseil de prud’hommes pour contester la rupture anticipée abusive.

L’action vise à :

  • obtenir les salaires jusqu’au terme du CDD

  • faire reconnaître l’absence de faute grave

  • et demander une réparation pour préjudice moral ou atteinte à la réputation.

Dans certains cas, l’entraîneur peut aussi saisir la commission juridique fédérale si son contrat est soumis à un règlement sportif particulier.

Le rôle de l’avocat est alors central :

  • il vérifie la validité du motif invoqué

  • il contrôle la régularité de la procédure

  • il chiffre les indemnités dues

  • et il assure la défense du salarié devant les juridictions compétentes

L’objectif est clair : rétablir la justice et protéger la carrière de l'entraîneur, et sa réputation.

6. Les indemnités en cas de licenciement pour insuffisance de résultats

Un licenciement pour insuffisance de résultats, lorsqu’il est prononcé sans faute prouvée ni incapacité personnelle du salarié, constitue une rupture abusive du contrat.

Le club doit alors indemniser l’entraîneur à hauteur du préjudice subi. Concrètement, les juridictions accordent généralement :

  • le paiement des salaires restants jusqu’au terme du contrat

  • les primes prévues au contrat (objectifs, fidélité, résultats, etc.)

  • les indemnités compensatrices de congés payés

  • et parfois des dommages et intérêts pour préjudice moral ou atteinte à la réputation

Les montants varient, mais dans le sport professionnel, ces indemnités peuvent représenter des dizaines, voire des centaines de milliers d’euros. Les juges apprécient la situation au cas par cas, en fonction :

  • de la durée du contrat restant à courir

  • du niveau de rémunération

  • de la notoriété du salarié

  • et des circonstances de la rupture

7. Exemples concrets issus du sport professionnel

Les affaires récentes montrent que les clubs utilisent souvent le licenciement “pour résultats” comme un outil de gestion.
Dans plusieurs cas, les tribunaux du travail ont condamné des clubs à verser l’intégralité des salaires restant dus, parfois pour des montants dépassant plusieurs centaines de milliers d’euros.

Les juges rappellent qu’un contrat de travail n’est pas un pari sur les performances sportives.
Un entraîneur n’a qu’une obligation de moyens, pas de résultats.
Tant qu’il met en œuvre les moyens nécessaires (préparation, suivi, direction technique, formation, communication), il remplit sa mission.
Le résultat collectif dépend de facteurs que le droit ne peut pas lui imputer.

FAQ – Licenciement pour insuffisance de résultats

Un club peut-il licencier un entraîneur pour mauvais résultats ?

Non, sauf si ces résultats révèlent une insuffisance professionnelle avérée et personnelle. En CDD, cela ne justifie jamais une rupture anticipée.

Quels sont les motifs valables de rupture anticipée d’un CDD ?

La faute grave, la force majeure, l’inaptitude, l’accord mutuel ou l’embauche en CDI par le salarié.

Quelles sont les indemnités dues en cas de rupture abusive ?

Le paiement de tous les salaires jusqu’au terme du contrat, les congés payés, et des dommages-intérêts pour préjudice moral ou professionnel.

Comment contester une rupture pour insuffisance de résultats ?

En saisissant le Conseil de prud’hommes dans un délai de 12 mois. L’avocat sport construit le dossier, rassemble les preuves et chiffre les indemnités.

Le droit du sport protège-t-il vraiment les entraîneurs ?

Oui. Les juridictions rappellent que la contre-performance sportive ne suffit jamais à justifier une rupture de contrat. Le droit reste du côté de ceux qui travaillent, pas de ceux qui jugent sur un score.

michael bouyrie avocat en droit du sport
À propos

Maître Michaël Bouyrie

Avocat depuis plus de vingt ans, j’accompagne et je défends celles et ceux qui font vivre le sport : sportifs, entraîneurs et agents sportifs.

Mon travail, c’est de protéger leur carrière, leurs droits et leur réputation contre toutes les décisions qui menacent leur exercice professionnel.

Je ne représente aucune institution sportive.

Je défends les acteurs du sport, ceux qui s’engagent chaque jour sur le terrain.

Partager l'article :

Cet article vous intéresse ?

Recevez des conseils juridiques et mes derniers articles directement par e-mail.

En vous inscrivant, vous acceptez de recevoir les emails de bouyrie-avocat.fr
Vous pouvez vous désinscrire à tout moment. Pour en savoir plus sur la gestion de vos données personnelles consultez la Politique de confidentialité.

Contact

Prêt à vous lancer ?

multiple sports
Contact

Prêt à vous lancer ?

multiple sports

Mes domaines de compétences

Contentieux disciplinaires

Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF)

Mes domaines de compétences

Contentieux disciplinaires

Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF)